Le film va faire un malheur, de Gorges Flipo

Publié le par M agali

 Un odieux personnage vient de traiter mon blog de « pas racontable » !
 Inutile de dire que j’en suis plus que fière, puisqu’il s’agit de Georges Flipo.

 Comme tous les écrivains, Georges est un hypersensible, peu doué pour la frustration. Et comme il a fait vœu d’être odieux, c’est quelqu’un qui ne peut pas supporter qu’on ne le considère pas comme tel, et à qui je ne ferai pas cet affront.

 Que son odiosation (à personnage fort, néologismes obligés, n’étant pas sûre du suffixe, j’en essaierai plusieurs…) baisse légèrement en Bourse, qu’il se soit laissé aller à un peu de gentillesse native ? Vlam, il balance sur la table quelques milliards d’odieuros, plus vite qu’Obama ne sort ses dollars en temps de crise.  Le résultat, c’est qu’il tient un blog à taux d’odiosité constante et bon sang, ce que ça fait du bien, ce que c’est rassurant, en ces temps de dégringolade des courbes, ce que c’est rafraîchissant, à côté des jérémiades de tous ces gens odieux sans le savoir sans le pouvoir et sans le vouloir, à côté de ces sinistres et hypocrites petits amateurs d’odiocentrisme non avoué. 


Je ne saurais vous dire quel est le tour de main, le secret en est bien gardé. Il y a tout de même un ingrédient de base, un invariant : l’odiosité (forme avancée de  la charité, je le démontrerai tout à l’heure) doit commencer par soi-même.
Or Georges paie de sa personne.
L’un de ses romans ou recueils de nouvelles a-t-il raté un prix ? Il nous le dit, nous le savons.
Quelque autre recalé du prix du polar du Quai des orfèvres raserait les murs du 36 en sifflotant ? Pas Georges !
Quelque autre débouté du Goncourt de la nouvelle s’en irait en (gon)courant ? Pas Georges !

 Après s’être bien déglingué (on n’est jamais si bien servi que par soi-même), il finit le travail en s’acharnant sur ses alter egos. Qui est plus proche d’un auteur que son héros, en effet ? Et qui en prend plus sur la gueule que le héros flipoyen ? (celui-là, de suffixe, je le revendique, je le brevète).
 Ceux qui ont lu le  Vertige des auteurs se souviennent du triste destin de ce nouvelliste sans espoir, romancier sans éditeur, écrivain sans public, mari dupé. Ceux qui se sont délectés des nouvelles de La Diablada, de Qui comme Ulysse  ou de  L’Etage d’Odieux, oups, pardon,  L’Etage de Dieu, n’ont pas souvent vu de rescapé au très fréquent unhappy end.


Qu’ils se précipitent sur son dernier roman, paru chez le Castor Astral, Le film va faire un malheur
Alexis n’y est  guère mieux traité. Le héros flipoyen est veule, ambitieux et sans scrupules. Ah, ah ! Un héros moderne, alors ? Eh non, parce que maladroit en diable, du type de « ceux qui n’en ratent pas une » : que son premier film ait quelque valeur pour un jury d’art et d’essai, paf, il se prend les pieds dans le tapis, se débrouille de donner l’impression d’avoir magouillé et perd le trophée mérité. Et pendant 200 pages,ce manipulateur déclaré se fait superbement avoir par un petit malfrat.
Alexis, qui ne compte que sur la chance, trouvant superflu d’être honnête, aimant crédible ou cultivé, -Vous avez dit « odieux » ? Moi aussi-, se révèle toujours aveugle quand elle s’offre à lui, même sous les traits de la sage et jolie Clara (Georges trouve moyen de rester toujours galant avec  les dames, tout en peignant les portraits au vitriol d’une galerie d’idiotes). Il n’est même pas grand dans le Mal, Alexis : ses dents sont longues, mais d’un cm de moins que celles des autres,c’est un jouisseur, mais sans désherbant à  fleur bleue, c’est un cynique, mais qui trouve toujours plus chien que lui.


Evidemment, le lecteur rechigne. Comprenez-le, le lecteur, quand il lit, fût-ce Flipo, il veut s’identifier au héros, il veut se sentir pousser du biscoto, de l’intello, de l’ambitio, de la promotio, il veut sentir gonfler son ego . (J’avais une autre rime en -o, mais je ne politiserai pas le débat).
Il veut se voir en ce miroir, le lecteur. Et il s’y voit, mais c’est celui, grimaçant et ridé et épouvantable d’un vieux Dorian Gray tout gris, ouille que ça fait mal ! (Voui, mais c’est du bon mal, c’est une leçon de morale gratuite et c’est là qu’est la charité promise au § 2).

- Odieux, murmure alors le lecteur, qui se tortille pour sortir du cadre, ne pas se voir, avec ses petites compromissions, ses à peu près, ses petits désirs fous de gloire à bas prix, argent facile et réussite. Sans compter la ride, là, au coin de l’œil, va te cacher, sale bête.


Et Georges de rire. Odieusement.

 

Magali Duru



 

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Le film va faire un malheurvoir le blog de Georges Flipo


Qui comme Ulysse:  lire l'article sur ce blog


 


Publié dans Lector in fabula

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P
Quel odieuse promotion pour cet Ô Dieu ! écrivain incisif !Je vote pour.Pour Georges et pour l'odieuse pipolisation de ce blog.:-)
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S
En forme, Magali ! Tu as fait le plein de magnésium pour Pâques, c'est ça ?Bon, me voici bien navrée : je n'ai pas encore dévoré le dernier Flipo, moi qui conserve son oeuvre complète sur ma table de chevet (enfin dessous, plus exactement, ou plutôt au milieu, enfin là n'est pas la question, et à propos de table de chevet, c'est moi qui ai ton Dominique Dayau que tu cherchais l'autre jour).Allez, une escapade supplémentaires chez mon libraire...
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M
<br /> Voi-là!<br />  Alors DD fréquente la table de chevet de SC, hein? Qui a dit que ce blog n'était pas pipole?<br /> <br /> <br />
F
Ah, Magali Duru est de retour, Magali Duru a aiguisé ses quenottes et se lance dans une diatribe échevelée pour sauver l'odieux soldat Flipo. Lui et moi nous étions écrit dernièrement pour ouvrir une pétition : sur ce blog, on veut du Magali Duru ! Les signatures sont ouvertes. Un point c'est tout.
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F
Très joliment troussé, Magali, c'est Durussien en diable, ce billet ! Le film va faire un malheur est mon livre de chevet, en ce moment. Je m'en délecte chaque soir de quelques pages. C'est odieusement bon. Le rapport à la littérature des héros (ce qu'il faut lire ou ce dont il faut savoir causer en société) est à crever de rire. A lire absolument pour pouvoir répondre intelligemment à la question rituelle : et vous lisez quoi, en ce moment ? - La Fontaine ? Maupassant ? Hugo ? Mallarmé ? se demande Sammy le Truand. -Dostoievski, répond Alexis le Héros.- Euh... Non. Flipo.
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