Christinémoi : Kiki, alias ½ Posuto, alias Christine Jeanney, romancière, auteur de Charlémoi.
Les habitués du blog d'RV et Kiki, appelé Posuto (Boîte aux lettres en japonais) apprécient depuis presque deux ans ses talents de chroniqueuse-satiriste-caricaturiste.
Depuis janvier on peut aussi goûter à la prose de Christine Jeanney et découvrir une facette complètement différente de son talent.Je l'ai écrit dans la page "Autres plumes" que je lui ai consacrée, je le redis ici.
Lorsque la gouailleuse Kiki redevient la tendre Christine, lorsque le ludion inspiré du blog sort de sa Paintbox et cesse de fustiger gaillardement toutes les façons qu'a le monde de mal aller, sa plume continue à faire mouche.
Mais autrement.
En petite chanson douce.
Charlémoi (janvier 2008, ArHsens éditions) est un petit roman dont la couverture en forme de puzzle ne triche pas. (Que le vert épinard ne vous rebute pas, pensez, mes petits Popeye, que c'est bourré de fer et bon pour le tonus).
En proie à des questions auxquelles il ne trouve pas de réponses, Édouard Prince, 35 ans, écrivain pour jeune public, s’isole dans les Vosges pour faire l’état des lieux de sa vie.
Frustré de n’avoir jamais su écrire un “vrai” livre, il se lance dans la rédaction de fragments de son passé pour se découvrir, se purger de son sentiment de ratage perpétuel. Tissant la vie et le passé d’Édouard comme on reconstruit un puzzle, l'auteur dépeint tout en finesse le portrait d’un original à l’imagination débordante, un héros dont le seul héroïsme consiste à ne pas se renier.
La construction est raffinée, l'agencement subtil. Christine a l'art des mots qui jouent entre eux pour mieux décrire, épingler sur le vif, mais délicatement ,le quotidien ou les fantômes du passé, (ici rien qui pèse ou qui pose...). Celui aussi d'aborder, avec une délicatesse experte de chirurgien bien décidé à soulager le malade sans devenir trop intrusif, les souffrances, personnelles, existentielles, familiales dont ses héros, si proches, si touchants, n'ont jamais la prétention de faire un fromage. Le tout avec un délicieux mélange de résignation, d'humour, d'insouciance héroïque et de pudeur.
A la fin du roman, passé revisité au-delà même de la naissance, le lecteur regardera s'éloigner Charles avec émotion. Comme on quitte un ami dont on se dit qu'il va peut-être enfin arriver à se débrouiller tout seul ? Toujours modeste écrivain pour enfants et enfant lui-même, mais apaisé, moins hanté par le souvenir de son double, un peu plus sage, un peu plus mûr.
Pur produit de ce monde où l'adolescence n'en finit pas, où les trentenaires sont encore les héros des romans d'initiation.