Joël Hamm Pater familias

Publié le par M agali

 

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Pater Familias

 

   Il expose sa lueur gélatineuse, sa tremblante tyrannie, sous le lustre familial. Son gros nez veiné de bleu brille à la table des dimanches encombrée de verres souillés et d’enfants ennuyés, le cul boulonné à leurs chaises droites. Pas parler, pas bouger, pas rire… Ils arbitrent en silence les paroles glaviots du grand-père rabiot et supportent les plaisanteries éculées du cousin nabot. Des mots béquilles mouillés d’alcool, de grands mots sébiles rampent entre les taches de la nappe. Jalousé par son frère, calé entre le mépris de sa future veuve et le haineux silence de ses enfants échalas, le père crachote ses vantardises. Du noyau de sa graisseuse enveloppe, le grincement radoteur de ses stéréotypes à réaction refait le monde. Le monde refait se fige dans la sauce saindoux du rôti et l’amour échalote luit comme une verrue brûlée à la  surface de la viande.

   Oublieux de la tare familiale inconsciemment entretenue par des générations de soumis, ses rejetons rejettent une amère bile trouble. Dans leurs yeux miradors passent des hospices où l’on ne va même pas le dimanche.

   Ployant sa fourchette sous le poids de ses gros doigts boudins, le père s’abstrait. Entre deux vins, il retrouve des bribes de mémoire, le goût des trèfles sucrés de l’enfance suçotés en revenant de l’école, le parfum torsadé des chèvrefeuilles étrangleurs. Il soupire. A ses yeux, rien ne semble plus à vivre ou à défendre. Dernier verre de marc après le café. Regard noyé, il roule quelques miettes de vie contre ses ongles endeuillés et marmonne des sons inaudibles, borborygmes fondus dans la grande digestion collective, mots velléitaires qui titubent hors de leur morne caveau pour finir dans un rot : Faudrait faire la révolution !

 

Joël Hamm


(texte et archives photographiques)

 

NDLR:

Oui, c'était un vrai délire, ces publicités phagocyteuses.. Joël a donc décidé de donner un grand coup de poing de pater familias sur la table.  Il n'en reste pas moins que les jours de ce blog sont comptés.

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J
<br /> <br /> La mort d'un blog me laisse sans voix! Je ne crois pas à l'inéluctable.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
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M
<br /> <br /> Court, mais puissant, Jules, ce commentaire... Enseveli par le neige, sans doute?<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> J'ai oublié de dire, une pochette surprise pour la nouvelle année. Alors joyeux 2011 à tous. Et que ce blog renaisse de ses cendres.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> J'ai pensé à une pochette surprise bien sirupeuse et bien guimauve de la part de Magali sur son blog. Mais non, c'était sur Calipso !<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Mais enfin, Magali, il faut rendre à César ce qui est à César. <br /> <br /> <br /> <br />
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