Pour une libellule en fonte...

Publié le par magali duru






(Frida Khalo, Mexique, juillet 2008, photo Judith M.)




  La libellule était sans ombre. Elle voletait à la surface de l'étang comme un point de suspension, un dessin à la plume sur un rai lumineux, l'incarnation d'une boite magique, un vitrail qui s'animerait dans une explosion de camaïeux inconnus.
 
Un souffle léger, pas vraiment un bruit, une vibration plutôt, faisait frissonner l'onde quand l’étoile animale se posait. On devinait à travers le prisme de ses ailes une dentelle de plus dans la frondaison. Quelque avoine se cambrait à son apparition. L'odeur âcre du vieil étang s'allégeait par miracle quand il la regardait. D'un battement d'ailes dans le soleil, elle apprivoisait le monde et mon odorat. Je n'osais respirer à plein poumon, consciente de ce miracle ténu.
La réalité prenait du retard, suspendue par ce battement. J'étais le témoin d'une cérémonie secrète : l'arrêt du temps.
 
L'été était en train de mourir, pourtant. Je le savais.
Les pompons de l'épine noire étaient déplumés. Le saule battait à nu ses bras d'osier blanc dans l'ambre de l'eau. Sur les rives en pente douce, les châtaigniers angoissés retenaient leurs feuilles et leurs fruits dans une crispation désespérée. Hélas, le marronnier eut un moment d'inattention. Un fruit brun tomba sur la mousse, puis cinq, puis six…Au septième qui griffa la terre de sa bogue pansue, la magie céda. L'automne déferla avec son odeur de métal. Il emprisonna la libellule d'une gangue de cuivre roux.
Elle s'effondra sur le chemin avec un petit soupir de fer, et c'est là que je la ramassai.
 
Monique Coudert

 


(photo Monique Coudert)







Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Pas de problèmme sous Firefox 'soit sous Linux ou sous Windows) par contre je ne voyais pas tout ce matin sous IE à partir du serveur du rectorat de Bordeaux...
Répondre
M
<br /> Hm.. un coup de Darcos, ça...<br /> <br /> <br />